27 juin 2011

Partir étudier aux Etats-Unis : les questions à se poser

 LEMONDE pour Le Monde.fr | 17.06.11 | 19h19

Jamais Céline Bland, 26 ans, une élève de l'école d'ingénieurs CPE Lyon, n'aurait pensé se retrouver un jour à Purdue, dans l'Indiana, une université à trois heures de route de Chicago : "Je ne voulais pas rentrer en France après mon année de césure dans un laboratoire de recherche à San Diego. Comme aucune université américaine ne voulait me recevoir directement, j'ai profité de l'échange qu'il y avait entre mon école d'ingénieurs et Purdue."
Comme Céline, un peu moins de 8 000 étudiants français partent chaque année suivre un cursus aux Etats-Unis. Mais avant de passer la douane américaine, il leur faut prendre le temps de comprendre ce qui les attend. "Les étudiants français n'ont généralement aucune idée de ce qu'est le système universitaire américain. Ils sont par exemple persuadés que le LMD (licence-master-doctorat) s'applique comme en Europe", commente Céline Ouziel qui reçoit plusieurs centaines d'étudiants chaque année à la Commission franco-américaine, l'organisme paritaire franco-américain qui assure la promotion des échanges transatlantiques.
  • LES DIPLÔMES SONT-ILS LES MÊMES QU'EN EUROPE ?
Et non, les Américains n'ont pas adopté le LMD. Tout au contraire, les universités délivrent d'abord un diplôme qui dure quatre ans après la fin des études secondaires : le Bachelor's Degree (diplôme de bachelor), le plus souvent en sciences ou en arts. Il est ensuite possible de s'inscrire dans des Master's Degree qui durent un, deux et même parfois trois ans selon la spécialité et l'université choisies. Comme en France, ces masters peuvent être axés sur la recherche (Research Master's Degree, qui comprennent le plus souvent la rédaction d'un mémoire) ou plus professionnels (Professional Master's Degree, dont les plus connus sont le Master of Science et le Master of Arts).
Vu le coût des études, la plupart des étudiants américains inscrits en masters ont déjà commencé à travailler avant de revenir à l'université pour s'y spécialiser. "Autour de moi les étudiants qui suivaient leur master avaient tous entre 27 et 35 ans", se souvient ainsi Jin Zhao, une étudiante de l'université Lyon-III partie suivre des cours à New York.
Enfin, les élèves peuvent s'inscrire en PhD, un doctorat qui dure au moins cinq ans et peut démarrer dès l'obtention du Bachelor, le Master en faisant alors intégralement partie, ou démarrer après l'obtention d'un Master. Dans certaines matières, comme le droit, il existe des doctorats moins longs menant à la pratique juridique.
  • A QUEL NIVEAU PARTIR ?
On parle de cycles Undergraduate (avant la licence) et Graduate (le master). Les étudiants français présents sur le sol américain se répartissent à peu près équitablement entre ceux qui partent en cycles Undergraduate et Graduate. Partir dès le bac est donc possible au bémol près que les universités américaines publiques favorisent plus les étudiants de leur Etat en premier cycle. Elles sont nettement plus motivées par la réception d'étudiants internationaux en master.
  • COMMENT FAIRE RECONNAÎTRE SON DIPLÔME ?
Si votre bac français est facile à faire valider par les universités américaines, tout se complique si vous avez commencé des études supérieures. Notamment si vous êtes titulaires d'un BTS ou d'un DUT. Les élèves de prépas risquent eux de souffrir de la faiblesse des notes que leur accordent chichement leurs professeurs. "Il est difficile de faire comprendre qu'une note de 10 ou 11 en classe préparatoire correspond à une note de A dans une université américaine, commente ainsi Patrice Corre, le proviseur du très prestigieux lycée Henri-IV à Paris. Nous avons donc commencé à faire évoluer ce système de notation. Les nouvelles générations de professeurs y sont prêtes."
Les démarches seront nettement plus faciles dès l'ordre que vous aurez obtenu un premier diplôme de niveau licence et plus. Si un master 1, voire un master 2 à UCLA par exemple, sont normalement demandés pour intégrer un Master's Degree, un tiers des universités – pas forcément les moins prestigieuses – acceptent des titulaires de licence. Dans tous les cas, vous devrez faire traduire vos bulletins en anglais afin de faire valider vos crédits. Lorsque vous partez après le bac, l'université susceptible de vous accueillir regardera jusqu'à vos notes de 3e.

Le campus de l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA), l'une des plus prestigieuses de la côte Ouest.
Le campus de l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA), l'une des plus prestigieuses de la côte Ouest.D.R.
  • QUAND SE PRÉPARER ?
Si la mobilité européenne est très bien organisée, il est en revanche plus compliqué – et plus coûteux – d'aller outre-Atlantique. Alors que les grandes écoles de commerce ou Sciences Po ont rendu obligatoire une expatriation allant de six mois à un an et possèdent des systèmes bien rodés, c'est encore loin d'être le cas dans beaucoup d'écoles d'ingénieurs et d'universités. Vous devrez donc vous préparer longtemps à l'avance, un an et demi avant votre départ au moins, et même dès la seconde si vous voulez partir après le bac.
  • Y A-T-IL DES EXAMENS À PASSER ?
Il n'existe pas de bac national aux Etats-Unis. Pour être quand même sélectives, les universités ont missionné des organismes privés afin d'organiser des examens qui en tiennent lieu : le SAT et l'ACT. Vous aurez à les passer si vous voulez partir après le bac. La quasi-totalité des universités examinent à la loupe les résultats des candidats qui bachotent pendant des années pour être reçus dans les meilleures universités. Pensez à regarder le niveau moyen des étudiants reçus sur les sites des universités. Des sessions écrites sont organisées six fois par an dans le monde et dans une dizaine de villes en France. Vous pouvez passer indifféremment le SAT ou l'ACT, sachant que l'ACT comprend des QCM de sciences en plus des maths et de l'anglais.
"Ce ne sont pas des questions difficiles, plutôt de niveau 3e ou 2de, commente Charlotte Goodwin, conseillère à la Commission franco-américaine, mais les QCM sont faits pour vous piéger et les notes sont négatives quand vous vous trompez. Il y a également un Essay (dissertation) mais ce n'est pas de la philo, plutôt une question sur un dilemme moral ou une expérience que vous auriez eus." Ces tests sont bien évidemment payants et le passage de l'ACT en France coûte par exemple 73 $ (53 euros).
  • COMMENT PROUVER SON NIVEAU EN ANGLAIS ?
Quel que soit votre niveau de départ, il vous faudra prouver votre niveau minimum en anglais déterminé par des tests payants dont les plus courants sont le TOEFL (Test of English as a Foreign Language) et l'IELTS (International English Language Testing System). Selon votre niveau d'études et l'université demandée, vos résultats devront être plus ou moins bons : 80 au TOEFL sur Internet permet d'intégrer une université moyenne mais Stanford exige par exemple 110 (sur 120). Les étudiants en économie-gestion pourront être amenés à passer un test spécifique: le GMAT.
Même si les étudiants n'ayant pas le niveau peuvent bénéficier de courts d'anglais intensifs, ayez de toute façon conscience que vous n'allez pas aux Etats-Unis pour y apprendre l'anglais mais pour y suivre des cours comme n'importe quel étudiant.
  • CELA COÛTE VRAIMENT SI CHER ?
Et oui. Comptez de l'ordre de 50 000 $ (36 000 euros) par an pour aller à Berkeley et 108 000 $ (79 000 euros) pour suivre un MBA (master of business administration) à Harvard. Résultat, si 72 % des étudiants américains reçoivent des bourses, ils n'en sont pas moins de plus en plus obligés de s'endetter pour suivre leur cursus. La moyenne des universités américaines estimée par l'organisme College Board est de 2700 $ par an (2 000 euros) dans les Community Colleges ; 19 600 $ par an (14 350 euros) dans les universités publiques ; 27 200 $ par an (20 000 euros) dans les universités privées.
Si on y ajoute, les frais de logement, de nourriture, d'assurances santé ou encore de transports sur place, on arrive à une moyenne de: 28 100 $ par an (20 500 euros) dans les universités publiques ; 37 000 $ par an (27 000 euros) dans les universités privées.
  • Y A-T-IL D'AUTRES ÉTABLISSEMENTS QUE LES UNIVERSITÉS ?
20 % des étudiants français qui partent en cycles Undergraduate optent aujourd'hui pour les Community Colleges. Un peu comme en France en BTS ou en DUT, on y suit en deux ans après l'équivalent du bac un cursus à finalité professionnelle qui débouche sur des Certificates (diplômes professionnels) ou des Associate's Degree.
Passer par un Community College peut permettre, sous réserve d'avoir validé des cours de culture générale, de poursuivre ensuite ses études dans des universités. Avantage : ils sont beaucoup moins chers que les universités avec des frais de scolarité annuels qui oscillent aux alentours de 5 000 $ pour les étrangers. Ils sont d'ailleurs aujourd'hui pris d'assaut par des Américains qui ont de moins en moins les moyens de payer pendant quatre ans les frais de scolarité exorbitants des universités.
Seul bémol, tous les Community Colleges n'ont pas encore l'habitude de recevoir des étudiants étrangers. Choisissez donc plutôt un dans une des régions où cela se pratique plus comme la Californie ou la Floride. Il existe également des Colleges indépendants des universités qui délivrent uniquement des Bachelors.
  • QUE VALENT LES UNIVERSITÉS MOINS COTÉES QU'HARVARD OU PRINCETON ?
"Les étudiants commencent systématiquement par me demander à aller dans les meilleures universités, ultra sélectives et souvent très chères, sans imaginer qu'il y en a d'autres qui leur conviendraient mieux", regrette Céline Ouziel. D'abord un peu désespérée de n'aller qu'à Purdue, Céline Bland aura ainsi finalement passé une année passionnante où elle a su "profiter de la qualité des laboratoires de chimie d'une université qui compte quand même 20 000 étudiants".
"Une université on vit dedans 24h/24 pendant des années et les étudiants américains sont prêts à traverser le pays pour vivre dans celle qui leur convient", commente Charlotte Goodwin, qui a suivi son cursus à Los Angeles dans une université réservée aux filles : "Quand j'en parle en France cela paraît étrange mais j'ai beaucoup apprécié. Du temps des discriminations sont nées des universités créées pour servir la communauté afro-américaine ou de confession juive par exemple. Si elles acceptent tous les profils aujourd'hui, elles gardent certaines caractéristiques et les étudiants les choisissent également pour cela."
Les sites Internet américains de choix d'université vous permettent d'ailleurs de faire des choix très pointus. En France même le Council of International Schools organise chaque année en septembre à Paris un "Paris College Day" où de nombreuses universités américaines viennent se présenter.

L'université d'Harvard, près de Boston, forme et a formé une grande part des dirigeants américains, dont l'actuel président BarackObama.
L'université d'Harvard, près de Boston, forme et a formé une grande part des dirigeants américains, dont l'actuel président BarackObama.AFP/William B. Plowman
  • QUELLES DIFFÉRENCES ENTRE LES UNIVERSITÉS PUBLIQUES ET PRIVÉES ?
Berkeley la publique et Harvard la privée jouissent du même prestige et sont… quasiment aussi chères pour les étrangers. Pour autant, le groupe des très renommées huit universités membres de la célébrissime Ivy League (Harvard, Princeton, Cornell, Yale, Columbia, Brown, Dartmouth et University of Pennsylvania) sont toutes privées et regroupées dans le Nord Est. Et savez vous qu'en fait l'Ivy League est surtout un consortium sportif dans lequel ces huit universités se mesurent dans tous les sports ?
A côté de ces universités privées mais à but non lucratif se sont rapidement développées ces dernières années des établissements à but lucratif (for-profit colleges). Paradoxalement, ils pratiquent des frais de scolarité généralement moins élevés que les autres mais sont aussi beaucoup moins cotées.
  • COMMENT SAVOIR SI UNE UNIVERSITÉ EST DE QUALITÉ ?
Sur un peu plus de 8 000 universités américaines seulement 4 937 sont accréditées par les organismes d'accréditation – privés – mandatés par le gouvernement américain. D'abord accrédités régionalement, les universités et facultés peuvent ensuite l'être par des organismes nationaux. C'est par exemple le cas des meilleures facultés d'économie gestion qui sont auscultées par l'AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business).
Pour retrouver toutes les universités accréditées, allez sur le site du Council for Higher Education Accreditation où vous trouverez quantité d'informations utiles. Le tout étant de ne pas vous faire embringuer dans ce qu'on appelle des "diploma mills", des "usines à diplômes" qui délivrent de beaux parchemins sans aucune valeur.
  • QUE VALENT LES PALMARÈS ?
Trois classements peuvent être considérés comme référents aujourd'hui. Le chinois ARWU (Academic Ranking of World Universities), appelé "Classement de Shangaï", le World University Ranking du Times Higher Education et le Top Universities de QS. Tous trois plébiscitent les universités américaines avec huit et sept placées dans un top 10 mondial toutes catégories où Harvard l'emporte devant Berkeley, Stanford, le MIT, le California Institute of Technology, Princeton, Columbia et Yale.
Par ailleurs, il existe de nombreux palmarès publiés par les grands sites d'information américains et britanniques, notamment sur les formations en management, le meilleur en la matière étant sans doute celui du britannique Financial Times. The Economist et Business Week publient eux des classements des MBA.
  • A QUOI RESSEMBLENT LES CAMPUS ?
Vous avez aimé The Social Network, si vous allez à Harvard vous ne serez pas déçus. Fondé en 1636 sur le modèle d'Oxford, le campus ressemble bien à ce qu'on voit dans le film. Mais n'a rien de typiquement américain puisque situé dans une ville, à la périphérie de Boston, quand la plupart des campus sont excentrés et parfois de petites villes en eux-mêmes avec des dizaines de milliers d'habitants, des commerces, etc. comme le montre par exemple l'université de Boulder, au Colorado, dans une vidéo sur son site.
A Boulder, comme dans toutes les universités, les étudiants bénéficient de conditions d'études exceptionnelles et… proportionnelles au coût des études. Bibliothèques ouvertes 24 heures sur 24, musées mais aussi installations sportives et artistiques de haut niveau, pour permettre aux étudiants de s'épanouir tout autant que d'étudier.
  • COMMENT SE DÉROULENT LES CURSUS ?
Pas question ici de s'engouffrer dès le bac en médecine ou en droit ! Les deux premières années de Bachelor universitaire sont très libres. Loin de se spécialiser tout de suite comme en France, les étudiants américains piochent dans les cours parmi toutes les matières dont seulement quelques unes sont obligatoires. Sciences, littérature, arts, ils se construisent un parcours à la carte avant d'opter pour des spécialisations en troisième année. Même un non scientifique doit avoir validé des cours de sciences qui leur sont d'ailleurs spécifiquement destinés.
"Il est possible de totalement changer d'avis sur son orientation une fois entré à l'université, assure Charlotte Goodwin. Je me souviens d'une amie qui a découvert les beaux-arts alors qu'elle se croyait faite pour les sciences. Aujourd'hui, elle illustre des livres scolaires de mathématiques." Même en master, Céline se souvient avoir encore "du bonheur d'avoir pu pratiquer des matières qui n'étaient pas liées à son cursus comme la philosophie".
C'est d'autant plus agréable que les cours se déroulent le plus souvent en groupes inférieurs à 20 étudiants et très rarement dans des amphithéâtres. Et puis, il faut s'investir dans les activités associatives qui sont extrêmement importantes pour se constituer un réseau et sont considérées comme partie intégrante du cursus.
  • TRAVAILLE-T-ON BEAUCOUP ?
"Il n'y a pas beaucoup d'heures de cours mais elles demandent une grande préparation, il faut donc beaucoup travailler", insiste encore Céline. Pas beaucoup signifie douze heures en général par semaine. Mais comme l'explique Armand Derhy, directeur d'ESG Ecole de management à Paris, qui envoie de nombreux étudiants aux Etats-Unis chaque année, "on peut vous donner cent pages à lire pour la semaine suivante et le cours sera consacré à leur commentaire. Si elles n'ont pas été lues, c'est un zéro pointé assuré. Ce qui compte, c'est l'esprit critique, les échanges, pas juste d'écouter un cours." Une grande partie de la note finale repose sur la participation aux cours, le Français inhibé risque donc d'y perdre des plumes.
  • EST-IL POSSIBLE D'OBTENIR DES DOUBLES DIPLÔMES ?
Attention, rien n'oblige l'université qui vous reçoit à vous accorder son diplôme si vous n'y venez qu'une année. Même dans le cadre des échanges d'étudiants membres de la Conférence des grandes écoles (CGE), le pourcentage de doubles diplômes est inférieur à 16 %. "Notre priorité est aujourd'hui de signer des accords de doubles diplômes avec des universités accréditées AACSB, Equis et AMBA qui permettent d'obtenir les deux diplômes dans le cadre de validations croisées", explique, bien conscient de la plus value, Alain Chevalier, le directeur général adjoint d'ESCP Europe.
Alors cherchez bien les doubles diplômes car il existe des pépites, comme cet accord qui permet à un étudiant de droit (un seul chaque année !) de Paris-I La Sorbonne de passer deux ans à la Columbia University !
  • MAIS QU'EST CE QUE ÇA VA M'APPORTER ?
Posséder un diplôme américain ou y a voir étudié ne vous permet pas automatiquement de rester y travailler. Mais c'est évidemment un gros plus pour y obtenir un jour un emploi car les entreprises américaines connaissent encore mal les diplômes européens.
Sachez aussi que, quel que soit votre diplôme, vous aurez acquis des compétences transférables dans n'importe quelle entreprise. Dans leurs annonces de recrutement, les entreprises américaines cherchent en effet des titulaires de Bachelors et de Masters mais sont assez flexibles sur la discipline principale que vous maîtrisez. Comme l'explique encore Charlotte Goodwin : "Les entreprises attendent de vous que vous ayez acquis des compétences et une grande culture générale, mais pas un métier en particulier."

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